En réponse à l’article publié dans La Presse « École à distance : Profs absents, parents découragés »
Le 13 mars dernier, on m’annonçait la fermeture de mon lieu de travail. Le 13 mars dernier, ma vie venait de basculer à cause de quelque chose d’infiniment petit. Pendant quelques jours, ma vie professionnelle est devenue floue et imprécise. Tous les jours, j’apprenais en même temps que tout le reste du Québec ce à quoi le Ministère de l’éducation s’attendait de moi. Chaque intervention amenait son lot de nouvelles questions et angoisses. Vais-je retrouver mes élèves? Est-ce que je devrai enseigner à distance? Est-ce que j’aurai des comptes à rendre? Pourquoi le Ministre a déclaré que nous étions en vacances? Je n’avais aucune réponse à mes questions, mais je me suis lancé comme je le pensais. Plusieurs de mes collègues, virtuels ou non, se sont aussi lancés dans cette course à l’adaptation des technologies. Au cours des semaines suivantes, j’ai vu des enseignants et des enseignantes s’approprier de nouvelles technologies, garder le contact avec leurs élèves, se déplacer en personne pour saluer leurs élèves et se démener corps et âme pour éviter d’être « absents ».
Ce matin, mon amie Karine m’a partagé un article dans lequel on dépeint, encore une fois, négativement les enseignants et enseignantes. Je veux être clair, je ne défends pas les quelques-uns et quelques-unes qui n’ont rien fait depuis le début de la crise. Est-ce parce qu’ils sont dépassés? Ont-ils des obligations familiales eux aussi, comme les parents? Est-ce de mauvaise foi? Aucune idée. Par contre, l’article de ce matin m’a encore fait réaliser le chemin à parcourir pour la valorisation de notre travail. Encore une fois, il a été plus facile de dénoncer et dépeindre négativement les quelques-uns qui n’ont rien fait, plutôt que de souligner le travail extraordinaire de la majorité. Ce travail extraordinaire est partagé plusieurs fois dans les différentes communautés d’enseignants dans lesquelles je fais partie, mais très peu partagé parmi les médias traditionnels.
Comme n’importe quel corps de travail, la COVID-19 a complètement changé nos vies et la nature de notre travail. Comme n’importe qui d’autre, nous avons aussi dû nous adapter aux changements, aux nouvelles technologies et à de nouvelles attentes. Ces attentes, provenant des parents, des directions scolaires, du Ministère de l’éducation, de la commission scolaire, sont différentes et parfois contradictoires. Malgré cela, nous avons réussi à continuer à faire nos suivis, à maintenir le lien avec nos élèves et à poursuivre certains apprentissages. Est-ce parfait? Non, il n’y jamais rien de parfait. Par contre, personne ne pourra pas dire qu’on n’aura pas essayé! Ce matin, cet article était la goutte de trop. Celle qui a fait déborder le vase. De mon côté, je suis de retour au travail à temps plein en classe. Je fais de mon mieux pour jongler avec les réalités de ceux à la maison et ceux en classe. J’ai plusieurs collègues qui sont à la maison qui jonglent avec d’autres réalités. Chacun fait de son mieux. Chacun travaille pour le bien des enfants. Parce qu’au final, c’est ce que nous faisons. Essayer de rassurer notre élève anxieux avec toutes les consignes sanitaires, rassurer le parent qui a peur pour son enfant qui est à la maison, aider notre élève en difficulté pour qui on s’inquiète. Chaque geste compte.
Soulignons les réussites en éducation. Tous les enseignants et enseignantes du Québec, du monde, ne sont pas paresseux. Ils sont résilients, débrouillards et passionnés. Chacun à sa façon. Cessons de partager l’image caricaturée de l’enseignant paresseux, qui n’en fait pas assez, payé à l’année avec deux mois de vacances (voir plus cette année pour certains). Chaque fois que ce message est partagé, ça me blesse profondément parce que je sais que c’est faux. Sommes-nous privilégiés dans cette crise? À mon avis, certainement. Est-ce notre choix? Absolument pas. Avons-nous travaillé? Tout à fait et nous continuerons à le faire, comme nous le faisons depuis le début.
M. Jason
Merci, tellement! J'ai publié un post très semblable sur Facebook hier matin. Chez nous, ça fonctionne bien. Les profs se sont retournés sur un 10 sous, ils ont réinventé toute leur pratique, les élèves sont au rendez-vous. J'ai personnellement des taux de présence qui tournent autour de 75-80%. Ceux qui sont absents le sont régulièrement quand nous sommes en présentiel, ou n'ont pas accès à Internet haute vitesse (la vie rurale...) En anglais, troisième secondaire, j'utilise un projet incroyable sur l'apprentissage sans évaluation dans le simple but d'apprendre quelque chose pour soi-même, pour satisfaire un besoin et ressentir la satisfaction d'accomplir quelque chose. Très très real life. J'ai des élèves qui fabriquent des meubles, d'autres des vêtements. Certains apprennent une…