Pour commencer, je veux que ce soit clair que ce que j'écris provient de mon expérience personnelle en tant que personne faisant partie de la communauté LGBTQ+. Cette expérience ne représente pas celle de tous les membres de la communauté et ne me place pas en position de porte-parole pour elle. Par contre, mon expérience et les conseils que je partage peuvent vous servir comme point de départ pour avancer vers une classe plus inclusive. Il se peut que mes propos soient confrontants et que certains vous fassent sourciller. Maintenant que vous êtes avertis, bonne lecture!
Je me considère chanceux et je suis privilégié d'être né au Canada, au Québec et de pouvoir vivre mon homosexualité de manière libre et en sécurité. Malgré cela, nous avons encore du progrès à faire pour que toutes les personnes de la communauté LGBTQ+ se sente en sécurité et bien tous les jours. Moi-même, je ne suis pas toujours à l'aise. Des exemples anodins comme se tenir la main en public, aller en "date" en public ou avoir les cheveux colorés "m'identifient" et attirent des regards qui ne sont pas toujours positifs. Sinon, d'autres moments étaient d'énormes sources d'angoisse telles que les rencontres de parents et les rencontres de nouveaux collègues puisque je ne savais jamais comment la personne devant moi pouvait réagir. Lorsque je suis devenu enseignant, je jugeais que c'était dans mon rôle d'éduquer les enfants à aller plus loin que l'acceptation de la différence, mais plutôt que la réalité des personnes LGBTQ+ soit en harmonie avec la leur. Il est aussi de mon avis que les enseignantes et les enseignants jouent un rôle de premier plan pour éduquer les enfants sur le sujet et créer des environnements sécuritaires et de confiance pour les jeunes. Nous aimons dire haut et fort que nous sommes inclusifs et ouverts, mais à mes yeux nous le sommes beaucoup moins qu'on aime prétendre. Ne me laissez pas partir sur les différentes politiques discriminatoires dans nos gouvernements et nos systèmes parce que j'en aurais pour longtemps!
Mais, maintenant. Comment pouvez-vous créer une classe plus inclusive et sensible à la réalité des gens LGBTQ+?
Par la littérature jeunesse
La littérature jeunesse est une arme puissante pour l'enseignement et la sensibilisation aux réalités de différentes personnes. La littérature jeunesse permettant une ouverture sur le monde LGBTQ+ se développe tous les mois. Certaines collègues étaient frileuses à l'idée de ces lectures et on me demandait si c'était approprié pour leur âge. Leurs intentions n'étaient pas mauvaises, au contraire, mais c'était fâchant pour moi d'entendre de tels commentaires.
Ma réponse: "Il n'y a pas d'âge pour enseigner l'ouverture, l'inclusivité et le respect aux élèves. Si l'orientation sexuelle n'était pas le sujet, on ne se poserait pas cette question. Se poser la question est un signe d'un manque d'éducation, à degrés variables."
Les titres sont encore plutôt rares, mais depuis quelques années il y en a de plus en plus. Ci-dessous, je présente quelques titres que je connais et que j'ai utilisés dans ma classe. Je les ai lus en 1re, en 3e et en 4e année. D'ailleurs, plusieurs de ces titres ont été inclus dans le réseau littéraire sur les différences que j'ai créé l'an dernier. Vous pouvez le consulter et le télécharger en cliquant ici.
Princesse Kevin par Michaël Escoffier
Cet album joue sur les stéréotypes de genre et est une excellente façon d'aborder l'inclusion et l'ouverture. Amené de manière humoristique, tous vos élèves auront le goût d'être une princesse!
Le coq qui voulait être une poule par Carine Paquin
Cet album est un de mes coups de coeur. Il est un des rares albums qui touche à l'identité de genre de manière intelligente en transposant le tout à un animal bien connu de tous les enfants.
Les papas de Violette par Émilie Chazerand
Mon coup de coeur parmi les albums présentés, celui-ci aborde directement la réalité d'une famille homoparentale. Les enfants adorent cet album et permet d'ouvrir les yeux que cette réalité n'est pas différente d'une famille hétérosexuelle.
La petite fille qui avait deux papas par Mel Elliott
Dans le même ordre d'idées que "Les papas de Violette" cet album présente une famille homoparentale. Ce qui le différencie est la petite touche humoristique lorsqu'une amie découvre que deux papas c'est pas plus amusant qu'un papa et une maman.
Deux garçons et un secret par Andrée Poulin
Cet album présente une petite histoire d'amour entre deux garçons. Pour être honnête, j'ai beaucoup de difficulté avec la fin de cette histoire, mais un travail de sensibilisation très intéressant peut être réalisé.
Le prince et le chevalier par Daniel Haack
Briser le classique conte de prince et princesse? Pourquoi pas! Cet album est très bien réfléchi et joue sur les stéréotypes de genres ainsi que l'ouverture et l'acceptation des autres.
Le garçon invisible par Trudy Ludwig
Celui-ci ne parle pas de la réalité des personnes LGBTQ+, mais le sentiment vécu par le garçon dans l'histoire réflète très bien comment un de vos élèves pourrait se sentir en classe. À exploiter!
Ces titres ne sont que quelques uns de plusieurs autres qui sont disponibles dans les différentes librairies et bibliothèques. D'ailleurs, mon ami Julien (@juju_leprof sur Instagram) a écrit un excellent article abordant le sujet pour le blogue "J'enseigne avec la littérature jeunesse". Si l'un des titres présentés ci-dessus vous intéresse, vous pouvez cliquez dessus et cela vous amènera au site "Les libraires" pour pouvoir commander à votre librairie indépendante préférée!
Par des petits gestes quotidiens
Vous êtes les idoles de vos élèves. À n'importe quel moment vous pouvez être LE ou LA enseignant.e. qui changera la vie d'un enfant. En occupant une place aussi importante, nous devons être des exemples et des modèles pour eux. En modifiant quelques comportements ici et là, vous pouvez avoir un immense impact sur les enfants et leurs perceptions. J'ai eu énormément de difficulté à me reconnaitre chez un adulte lorsque j'étais au primaire alors que déjà cet âge j'avais des comportements qui aujourd'hui ont un sens pour moi. Quelques petits trucs peuvent être faits pour aider les enfants qui se cherchent des repères:
Abolir les rangs garçons / filles
Abolir les compétitions entre garçons et filles
Ne pas présenter des livres en les destinant plus aux filles ou aux garçons.
Présentez les selon des caractéristiques liées à l'intrigue ou les personnages plutôt!
Utilisez des mots sans genre spécifique pour interpeller les élèves (trésor, chaton, coquelicots, les élèves, les enfants, etc.)
Si vous êtes un homme, portez des vêtements aux couleurs plus féminines (j'aime pas le dire comme cela, mais vous comprenez l'idée) et vice-versa si vous êtes une femme.
Cette liste n'est pas exhaustive et tellement de choses peuvent être faites! En plus de ces petits gestes, évitez de souligner de manière excessive lorsqu'un enfant se présente en classe avec quelque chose de différent. Par exemple, un garçon qui arrive avec du vernis de couleur sur les ongles ne mérite pas une grosse réaction. Une simple attention est suffisante pour que l'enfant se sente accepté et en sécurité. Les autres enfants aussi verront qu'il n'y a pas un cas à faire avec ça et que c'est une information comme les autres.
Par le cours d'éthique et de culture religieuse
Le volet éthique de ce cours est une belle opportunité pour aborder le sujet et amorcer une discussion autour de l'acceptation de soi et des autres, l'ouverture et le respect. Les albums présentés ci-dessus peuvent être d'excellents déclencheurs pour le sujet. Je veux vous rassurer, il n'y pas de mauvaise façon de discuter du sujet. C'est normal que vous vous sentiez mal à l'aise ou inconfortable puisque ce n'est pas quelque chose dont on discute tous les jours. Allez-y du mieux que vous pensez et déjà ça est mieux que rien du tout. Si vous pensez avoir fait une erreur, consultez des ressources sur le sujet, demandez à un ami ou proche membre de la communauté ce qu'il en pense. Nous avons tous le droit à l'erreur et nous avons tous la chance d'être meilleurs pour la prochaine fois.
Lors de mon passage au 2e cycle, j'avais construit deux documents très simples pour amorcer une petite discussion à partir des albums "Les papas de Violette" et "Le coq qui voulait être un poule".
Pour aller plus loin
La façon d'accueillir une confidence d'un élève a aussi une grande influence. Ne remettez pas en question ce que l'enfant dit. N'impliquez pas votre opinion sur le sujet. Peu importe l'âge de l'enfant, il n'est jamais trop jeune pour s'identifier à une identité ou une autre. Si ce questionnement vous vient en tête, posez-vous la question sur la raison de ce questionnement. Êtes-vous inconfortable avec le sujet? Êtes-vous outillés pour accueillir une telle confidence? Chaque personne vit son développement différemment. De mon côté je commençais à me poser des questions en 6e année, mais d'autres peuvent se les poser plus jeune ou plus vieux.
Plusieurs ressources existent pour vous aider, dont certaines sont québécoises. Découvrez-les ci-dessous. Celles-ci proposent des ressources pédagogiques, des articles et des références pour approfondir votre réflexion.
Fondation émergence
Fierté Montréal
Gris Montréal
Foncez, une étape à la fois, un pas à la fois. Chaque petite action peut avoir un grand impact vers une classe plus inclusive!
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